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1 août 2017 2 01 /08 /août /2017 18:23

Le témoignage d'Aurélia, témoin de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice

Le soir du 14-Juillet, Aurélia était à la plage sur la Prom' avec son copain et des amis. Elle n'a toujours pas pu y retourner.
Aurélia vit juste à côté de la gare de Nice et prend le train chaque jour. Une fois, c’était il y a quelques mois, un type est descendu sur les voies au moment où le train arrivait et Aurélia s’est figée. «Je me suis dit, il faut le sortir de là. Mais c’était trop tard et j’ai pensé "mon Dieu, je ne veux pas revivre ça."» Le conducteur a freiné, l’homme est remonté. Aurélia est restée tétanisée. «J’ai été transportée aux urgences. Dans l’ambulance, le pompier m’a demandé "c’était quand la dernière fois que vous avez fait une crise de tétanie?" J’ai dit "le 14 juillet".»
Ce matin-là, elle s’était fâchée avec son copain, avant de le convaincre de venir voir le feu d’artifice. Elle se souvient du pique-nique sur la plage, «des étoiles partout», du camion qui arrive et du mouvement de panique. Une porte s’ouvre dans un immeuble. «Je suis assise dans les escaliers, quelqu’un descend, remonte. On se retrouve chez un jeune homme.» Aurélia s’interrompt, sa main droite remonte le long de son mollet, puis redescend, crispée, le mouvement ne s’arrête plus.
Elle dit qu’elle est un «témoin survivant», pas une victime.
L’histoire d’amour naissante au début de l’été s’est terminée au milieu de l’hiver. «Il n’a pas du tout réagi comme moi. Il fallait que je profite encore plus, de la vie, des gens que j’aime. Il s’est renfermé. Puis lorsqu’on s’est séparé, il a fini par me dire qu’il m’associait toujours au 14-Juillet.»
Elle raconte qu’elle a voulu fuir sa ville et que c’est toujours le cas. «J’ai tout le temps envie de partir. Toutes les deux semaines, le week-end, je vais quelque part. Marseille, Lille... Pourtant, j’aime ma région, j’aimerais pouvoir à nouveau apprécier et m’émerveiller avec la même saveur qu’avant. J’ai bon espoir que ça revienne.»
Elle veut dire qu’elle ne s’est pas arrêtée de vivre, et puis elle se reprend: «Enfin pour certaines choses un peu. Je suis plus vigilante. Les systèmes de sécurité ont tendance à me rappeler qu’on ne l’est pas, justement.»
Alors Aurélia évite les foules. Les centres commerciaux. Les concerts. «Je laisse passer les gens devant moi dans les tunnels. J’observe. On en arrive à juger les gens au faciès, cocher des cases : "tête cheloue", "beaucoup de sacs".» Elle s’excuse presque.
«Certaines personnes sont dans l’émotion, réagissent sans réfléchir, s’en prennent aux musulmans, aux étrangers. Je sais que ces fous furieux sont une minorité. Je garde foi en l’être humain. Le type qui a fait ça, j’ai pas envie de le tuer, mais de l’agripper, de le secouer, lui dire "Qu’est-ce que t’as dans la tête, qu’est ce qui t’a pourri le cerveau comme ça?"»
Elle veut lutter contre la haine, répète le mot "bienveillance". «Ça fait très bisounours, mais il faut vraiment qu’on apprenne à être aimant et bienveillant. Il faut amener les gens à changer leur regard. En voyageant, en allant à la rencontre des autres.»

Nice Matin

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