15 octobre 2005
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Bien que la vieille demeure soit de plus en plus fatiguée, c'est avec tendresse et mélancolie que je la quitterai et, depuis que la petite luciole s'est annoncée, j'ai l'impression que je m'accroche à elle pour la serrer dans mes bras, avec ses murs décrépis, son air comme abandonné et son champ d'herbes folles où Romain partait en expéditions avec Isabelle. Quelque chose de ma jeunesse , douce et violente, flotte ici dans le jardin, grimpe les escaliers où Romain faisait ses premiers pas conquérants et se souvient des rires , du désespoir aussi , car , même dans la belle maison blanche, on n'y échappe pas toujours. En ce temps-là, le vieux portail rouillé fermait encore et , lorsqu'il s'ouvrait, il révélait son secret : le jardin aux grenouilles , les vieux oliviers, la maison niçoise fragile et digne, avec son lavoir inutile et toujours encombré... Lui aussi il faudra l'abandonner, et c'est là pourtant que Romain a peint le sabot de son grand-père; nous le regardions , Jean-Pierre et moi , pendant qu'il s'affairait, plein de joie et d'énergie, le visage brillant, ses petites mains agiles et comme déterminées, recouvertes de peintures ! Cétait la vie qui était là ! Il arrivait alors que des lucioles brillent à la tombée de la nuit : Romain voulait les prendre et il les serrait très fort, attentif à cette petite lumière emprisonnée dans le creux de sa main . Et les chats ! Eux aussi ont vécu aux Lucioles, ils dormaient sur le mur, ils se roulaient dans la terre ou s'allongaient sur le ciment encore tiède de la chaleur du soleil... Ce soir il n'y a pas de bruit sur la place. J'ai sommeil. Il est juste minuit.